- BUSON (YOSA)
- BUSON (YOSA)Buson, poète et peintre japonais, fut, avec Ike-no-Taiga, le créateur du Nanga, école des Lettrés. Éclectique comme la plupart de ses contemporains, Buson s’est illustré par des styles très divers, mais il semble que son emploi du pinceau s’apparente surtout à celui des maîtres de l’époque Muromachi, formés à l’école des peintres Song et Yuan.Peintre et poèteTaniguchi Yosa prit de multiples noms de pinceau, dont le plus connu est Buson («village au navet», allusion chinoise), qui apparaît dans un recueil des poèmes en 1744. Ces noms divers, transmis par ses poésies, par les signatures et les cachets de ses peintures, sont des points de repère fort utiles pour la datation de ses œuvres: citons Shime Ch 拏so vers 1757, Ch 拏ko et Sunei vers 1776, et, vers la fin de sa vie, Yahan-tei.Né près d’ 牢saka, dans la province de Settsu, Buson quitta fort jeune son village natal pour se rendre à Edo, où il fut l’élève de Hayano Hajin, disciple de Bash 拏 et renommé pour ses haiku (poèmes en 17 syllabes). En 1742, à la mort de son maître, il abandonna la capitale sh 拏gunale pour mener une vie d’errance et de misère, parcourant les provinces du Nord sur les traces de Bash 拏. En 1751, il se rendit à Ky 拏to où, après un séjour de trois ans (1754-1757) dans la région de Yosa (province de Tango), il devait se fixer définitivement.InfluencesBuson ne se réclame d’aucun maître et sa période de formation reste peu connue. Dans les milieux de poètes et d’artistes de la capitale, il dut cependant voir des œuvres de Hanabusa Itch 拏 († 1724), peintre bourgeois qui avait été un ami de Bash 拏. La plus ancienne de ses peintures, Réunion de poètes (1736-1741), montre qu’il emprunta à Itch 拏 ses coloris légers, mais sa composition s’inspire de gravures chinoises. Dès cette époque, il s’intéressa aux peintures Ming et Qing qui jouissaient d’un grand prestige dans le monde cultivé, où s’étaient répandues des méthodes de peinture, illustrées de gravures sur bois, tels le Bazhonghua pu , compilé en 1620 et dont la première édition japonaise remonte à 1671, et le Jieziyuan hua chuan ou «jardin du grain de moutarde».Il se pourrait que Buson ait fréquenté un des ateliers de machi Kan 拏 (surgeon de l’école officielle), fournisseurs de la clientèle bourgeoise, où se transmettaient, de génération en génération, des copies d’œuvres chinoises collectionnées par les Ashikaga et qui servaient de modèles pour les exercices de débutants.Ky size=5拏toKy 拏to, resté à cette époque le grand centre de la culture et de l’art, favorisa certainement l’épanouissement de Buson. Il semble avoir, lors de son premier séjour, subi l’influence de Sasaki Hyakusen (1698-1753), poète et peintre amateur qui, comme plusieurs de ses contemporains, fréquentait le Mampukuji, siège depuis 1659 de la secte zen Obaku, d’origine chinoise. Pour les Japonais, retenus dans leur île et avides d’exotisme, le Mampukuji représentait un lieu de dépaysement: auprès des moines chinois l’on pouvait s’initier à la littérature, à la calligraphie et à la peinture du grand empire voisin. Contrairement à cette première génération de dilettantes, Buson dut gagner durement sa vie par sa peinture, et, dès 1757, il ouvrait à Ky 拏to un atelier de paravents où il travailla avec ses élèves.L’atelier de paraventsCes paravents témoignent de la versatilité de Buson, ou, peut-être, de celle de sa clientèle. L’un des plus anciens (1763) Chevaux dans la campagne , évoque le style réaliste et coloré de Zhen Narping, peintre académique chinois que ses visites répétées à Nagasaki avaient rendu célèbre à travers tout le Japon. En 1764, dans Paysage à la manière de Mi Fu , il utilise le tachisme propre à ce maître des Song, tandis que, plus tardif, Voyage d’automne , dont le sujet est d’inspiration chinoise, révèle un sens aigu de la nature japonaise que l’on retrouve aussi dans Pavillon solitaire dans un bosquet de bambous et dans son pendant, Chevauchant à l’ombre des saules , aux teintes légères et transparentes. Ce sens du paysage japonais s’approfondit au cours d’un voyage effectué à Shikoku (1766-1768) et se révèle pleinement dans une de ses œuvres maîtresses, exécutée en collaboration avec le plus grand artiste de son temps, Ike-no-Taiga: l’illustration de Ju Ben Ju Gi («les dix avantages et les dix plaisirs» de la vie de la campagne), poèmes de Li Liweng, inspirateur du Jardin du grain de moutarde. Dans le format réduit de ces feuilles d’album s’exprime, tant dans la peinture que dans la calligraphie, le romantisme poétique de Buson. Dès lors, ses œuvres se multiplient, témoins de l’essor tardif du peintre, et les paysages y tiennent une grande place. Aux grandes compositions, Retraite dans un bosquet de bambous ou Le Coucou , dans lesquelles sa maîtrise s’affirme, on peut préférer les œuvres de dimension plus restreinte: Pluie d’aube au printemps ou Soir dans la montagne glacée , dans lesquelles, selon l’expression de Suzuki Susumu, l’on sent la «peau» du Japon.Retour aux sourcesLa personnalité du style de Buson s’observe dans ses peintures à l’encre, telle Myriade de maisons un soir de neige , où l’on retrouve transmis par Sessh , un écho du pinceau de Gao Kegong, et Corbeaux et Vautour , traitée au lavis, dans laquelle les formes noires des oiseaux se détachent grâce à un cerne blanc qui semble lui être tout à fait particulier. Buson n’avait jamais abandonné la poésie et présidait une société de haiku , le San-ka-sha. On peut ainsi suivre dans son œuvre littéraire comme dans sa peinture une évolution qui, de l’idéal plutôt bourgeois des poètes d’Edo, l’entraîna vers un retour aux sources et vers Bash 拏, créateur du genre. D’une spiritualité moins profonde que ce dernier, il possède un talent allusif, descriptif et nostalgique qui fait de lui le plus grand poète de son temps. C’est à ce moment qu’il crée le haiga , association de la peinture et du haiku , où apparaît un trait cursif qui traduit l’aisance de son pinceau. Pour lui, cette peinture cursive est l’expression même du haiku . Nous devons à cette tendance les paravents et les rouleaux où la transcription des récits de voyage de Bash 拏 s’illustre de croquis rapides et empreints d’un humour qui annonce, avec plus de poésie, les œuvres de Hokusai. Le Chemin étroit dans un pays perdu (Oku no hosoi michi ), le Voyage à travers les intempéries (Nozarashi ki-ko ) sont, interprétés dans le goût de l’époque, l’expression du style narratif des Japonais, déjà manifeste dans les monogatari-e-maki des XIIe et XIIIe siècles. De même, Matahei , dont le poème cite les fleurs épanouies (des cerisiers) de Midoro (Takeo), évoque en quelques traits les hanami du XVIe siècle.Jusqu’à ses derniers instants, Buson poursuivit son œuvre. Il mourut le douzième mois de 1783, laissant un dernier poème: «Ah! la nuit éclaircie par la blancheur des pruniers.»
Encyclopédie Universelle. 2012.